Dernière modification le 3 janvier 2023
Chez SnapCar, on a fait les calculs
ACTU VTC: Chez SnapCar, on a fait les calculs. L’an dernier, en moyenne, il fallait attendre environ 5 minutes pour obtenir une voiture dans Paris. Depuis peu, ce temps a presque doublé, pour grimper à 8 ou 9 minutes en moyenne. Yves Weisselberger, le patron du service de voitures avec chauffeur, a identifié le coupable : l’examen imposé depuis la fin de l’année dernière par la loi Grandguillaume aux chauffeurs VTC. Désormais, pour avoir le droit d’exercer, ils n’ont pas trop le choix : soit les chauffeurs qui exerçaient jusqu’alors peuvent se prévaloir de douze mois d’activité, soit ils doivent passer cette épreuve plutôt épineuse, en plus d’un test pratique. Selon Le Monde, entre mai et décembre 2017 (l’examen a été mis en place à cette époque), seulement 1 707 chauffeurs ont été admis sur plus de 12 000 candidats. « 14 % de taux de réussite ! s’emporte Yves Weisselberger. Pourquoi empêcher des gens qui ont envie d’être chauffeurs VTC de le devenir ? »
Depuis décembre, toutefois, les résultats s’améliorent. Sur les sept derniers mois, le taux de réussite est monté à 39 % en Île-de-France, avec des variations de 17 à 73 % selon les centres d’examens. Les postulants ont sans doute amélioré leurs réponses à des questions aussi déroutantes que celle-ci : « Qu’est-ce que l’honorabilité dans votre profession ? » De même, calculette en main, ils ont peut-être un peu mieux résolu l’équation suivante qu’exige l’épreuve : calculer la « dotation d’amortissement déductible sur les charges de l’entreprise » après l’achat d’un « véhicule à 20 000 euros HT amortissable sur 4 ans »…
« Il ne s’agit pas de préparer HEC ! »
On s’en doute, ces questions assez pointues font hurler la profession. « Il ne s’agit pas de préparer HEC, mais d’être chauffeur VTC ! » peste Yves Weisselberger. Mais, pour les organisateurs de l’épreuve, comme la Chambre des métiers et de l’artisanat, l’exigence est essentielle : parce qu’ils orientent les touristes étrangers, les chauffeurs doivent maîtriser quelques rudiments d’anglais ; parce qu’ils sont en contact avec le public et l’administration, ils doivent rédiger sans trop de fautes d’orthographe ; parce qu’ils sont aussi des entrepreneurs, ils doivent maîtriser les règles de base de la comptabilité. D’ailleurs, arguent les organisateurs des épreuves, 80 % de l’examen est commun avec celui des taxis. Mais est-ce bien à l’administration de s’assurer que des entreprises privées de VTC accueillent avec la courtoisie souhaitée les touristes qui débarquent à Roissy ?
Mais ce qui froisse surtout les chauffeurs VTC, c’est la durée entre l’examen et la délivrance de la carte professionnelle. « Il faut six mois, c’est aberrant, ça décourage le plus tenace des chauffeurs », s’emporte le patron de LeCab, Benjamin Cardoso. Pour certains, le ver est dans le fruit dès le départ. Curieusement, le gouvernement a confié au principal ennemi des VTC, les taxis, l’organisation des épreuves. Ces professionnels du volant sont en effet partie prenante des chambres de métiers et de l’artisanat, dans lesquelles ils seraient influents. « En soi, ce n’est pas sain », remarque Yves Weisselberger. Un exemple : l’examinateur de l’épreuve pratique, c’est-à-dire vingt minutes de conduite, peut être un chauffeur de taxi. On imagine sa sévérité au moment de délivrer le sésame qui transformera le candidat en concurrent…
« Les VTC ne font de tort à personne »
Les représentants des VTC dénoncent aussi cette habitude très administrative de faire compliqué là où on pourrait faire simple. « Je ne comprends pas. Pourquoi mettre de la complexité là où il n’y en a pas besoin ? s’interroge Benjamin Cardoso. Ces chauffeurs savent conduire, ils sont assurés, ils ne font de tort à personne, ils participent aux nouveaux modes de mobilité dont tout le monde parle aujourd’hui. »
Le constat est d’autant plus rude que la profession est pourvoyeuse d’emplois. Yves Weisselberger évalue à 10 000 le besoin annuel de nouveaux chauffeurs, dont la moitié en création nette d’emplois. Or, dénonce le patron de SnapCar, le système mis en place par la loi Grandguillaume limiterait à 2 500 le nombre de nouveaux chauffeurs VTC en France. En région parisienne, la plupart des impétrants sont pourtant issus d’endroits où le chômage et le manque de formation sont aigus. Les statistiques de l’Insee révèlent, par exemple, qu’en 2016 les VTC sont devenus la première source de création d’entreprise en Seine-Saint-Denis.
Chasser les normes
La grogne des VTC est évidemment arrivée aux oreilles du gouvernement. L’an dernier, Élisabeth Borne, ministre des Transports, a mis en place une mission pour étudier le problème et, peut-être, y remédier. Un rapport devrait être publié en juillet. Il est temps, ironisent les patrons du secteur. « On a mis en place un système qui est l’exact contraire de l’ADN du président de la République, remarque Yves Weisselberger. Voilà un secteur qui recrute et des gens qui veulent travailler, mais le gouvernement a installé un mur qui empêche la connexion entre les deux. On ne peut pas faire plus anti-macronien que ça ! » Et tant pis si c’est François Hollande qui, en 2016, a organisé la régulation du secteur sous la pression des chauffeurs de taxi. Emmanuel Macron veut fluidifier l’économie et chasser les normes ? Chiche ! Qu’il s’attaque au secteur des VTC, supplient ses représentants.
Le rapport commandé par Élisabeth Borne pourrait améliorer les choses en réduisant, par exemple, le délai d’attente entre l’examen et la remise de la carte professionnelle. C’est en tout cas le souhait de la profession. « On ne demande pas une nouvelle loi, mais au moins un moyen de délivrer en 24 heures la carte, même de façon provisoire », demande Benjamin Cardoso. Voilà qui étofferait l’offre de VTC, notamment en Île-de-France. Et réduirait un peu le temps d’attente quand on a besoin d’un VTC un lundi matin pour aller à Roissy vers 8 h 30 et que le prix est multiplié par deux faute de voitures libres…
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