Dernière modification le 3 janvier 2023
Citygo, l’appli qui fait enrager les VTC
L’application de covoiturage Citygo met en relation conducteur et passager pour partager des trajets. Problème : il s’agit parfois de transport illégal de personnes. Le ministère s’est saisi du dossier.
Après les précédents Uberpop et Heetch, haro sur Citygo ? Il semble en effet que cette nouvelle appli de covoiturage est en train de venir concurrencer les VTC et taxis en flirtant avec l’illégalité. Au point d’être devenu la cible de syndicats de chauffeurs VTC qui réclament son interdiction.
La demande des chauffeur VTC, reçus au ministère des Transports après leur mobilisation début janvier, a trouvé un certain écho. Au cabinet de la ministre Elisabeth Borne, on indique avoir « mis en demeure par voie écrite le dirigeant de Citygo de faire cesser toute pratique illégale sur son application. » Voici ce qu’il faut savoir sur cette appli controversée.
Citygo, comment ça marche ?
Si vous souhaitez partager un trajet sur Citygo, il suffit de télécharger l’application et de remplir quelques éléments succincts sur votre profil. La photo ou une pièce d’identité ne sont pas obligatoires, même si vous voulez être conducteur avec votre véhicule personnel. Ensuite, vous renseignez votre destination, et vous attendez quelques instants de voir si un conducteur est disponible. Pour être chauffeur, la carte grise n’est pas nécessaire non plus.
Combien ça coûte ?
Pour le passager, comptez par exemple 20 € pour faire un trajet entre la tour Eiffel et l’aéroport de Roissy Charles de Gaulle. Bien moins cher qu’un forfait taxi à 50 € ou qu’une course en chauffeur VTC. Pour Saint-Denis – la Défense, par exemple, c’est 10 €, contre 29 € en Uber. Vous pouvez payer en liquide ou par carte bleue. En revanche, les tarifs de Citygo sont plus chers que sur les autres applis de covoiturage type Blablacar, Karos ou Klaxit. « On respecte les tarifs en vigueur pour du covoiturage, avec 0,50 € par passager pour le conducteur, auquel s’ajoute une indemnité kilométrique », assure-t-on chez Citygo.
Est-ce du covoiturage ?
Il suffit de quelques trajets avec Citygo pour s’en rendre compte : l’application est beaucoup plus proche d’un service de chauffeur VTC low cost que du covoiturage. Déjà parce qu’elle fonctionne surtout en temps réel. Lors d’un covoiturage normal (longue distance ou domicile-travail), il vaut mieux réserver son trajet quelques heures ou jours à l’avance et se rendre à un point de rendez-vous fixé par le conducteur. Sur Citygo, on peut directement faire une demande de trajet et si elle est acceptée, le chauffeur vient vous chercher. Et celui-ci peut multiplier les propositions de trajets dans la journée (lire encadré). Ce qui ne semble pas correspondre à la définition du covoiturage. Celle-ci « répond à des critères précis, rappelle-t-on au ministère des Transports : déplacement effectué par le conducteur pour son compte propre ; prix du voyage n’excédant pas le barème kilométrique et divisé par le nombre de voyageurs ; conducteur payant lui aussi une part du prix du carburant et du péage occasionné par le trajet ».
Est-ce légal ?
Dans le cas où le conducteur ne roule pas pour son compte propre et multiplie les trajets, il fait du transport de personnes et non du covoiturage. Il lui faut dans ce cas une licence chauffeur VTC. « On n’accepte aucun chauffeur professionnel et s’il y en a, on bloque leurs comptes. On fait très attention », répond-on chez Citygo. Mais, du côté du ministère, on indique « avoir été alertés par les professionnels sur des pratiques vraisemblablement illégales constatées sur cette application ». D’où cette mise en demeure au dirigeant de Citygo pour « faire cesser toute pratique illégale », et ce « sans délai ». « Il lui a aussi été rappelé clairement que tout conducteur qui dépasserait le cadre du covoiturage serait passible de sanctions pénales », de même que le dirigeant de Citygo, insiste-t-on au ministère.
BENOIT, CHAUFFEUR AMATEUR, MULTIPLIE LES COURSES
Signe que l’appli Citygo a du succès, en un an, de mi-2017 à mi 2018, elle a doublé son nombre de « covoitureurs » (de 300 000 à 600 000), et quadruplé son nombre de trajets (de 50 000 à 200 000 par mois). Elle est désormais disponible à Paris, Lille et Lyon et a levé en juillet dernier 800 000 € pour son développement. Si Citygo ne communique plus aucun chiffre depuis, la start-up française envisage de poursuivre son développement et de s’ouvrir dans d’autres villes.
Si ce succès fait de l’ombre aux chauffeur VTC, il semble convenir à certains chauffeurs amateurs. Comme Benoît, qui multiplie les trajets au volant de son véhicule personnel vieux de dix ans. En moins d’un mois sur l’appli, il a cumulé 80 courses. Pour lui, pas de doute, Citygo s’apparente à un service de chauffeur VTC. « Je fais ça en attendant de passer l’examen chauffeur VTC », explique-t-il d’ailleurs.
En attendant, il roule donc avec sa voiture personnelle, à l’état relativement sommaire, et transporte des passagers aux quatre coins de la région. « Hier je suis parti au hasard dans Paris, et j’ai fait cinq courses, explique-t-il. Mais cela marche bien surtout le soir et le week-end. » Comme Heetch en son temps, l’appli à bas prix séduit surtout jeunes et banlieusards, au faible pouvoir d’achat et mal desservis en transport en commun.
Benoît n’a toutefois pas forcément l’impression de faire un exercice illégal de la profession de taxi (motif sur lequel avait été condamnée Heetch en 2017). « Citygo nous prend des commissions sur les courses, l’Etat doit aussi leur prélever quelque chose », estime-t-il.
*Le prénom a été changé
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